L’épée pendait à la patère... Elle n’en avait pas bougé depuis des mois. L’armure, emballée dans des pièces de tissus huilés était entreposée dans un coffre. La cape portant armes et couleurs était rangée au fond d’un placard, et les anneaux... ses vieux anneaux de communication étaient remisés au fond d’un tiroir quelconque, aussi effacés des pensées de l’Elfe des bois qu’ils pouvaient l’être.
Les rayons du soleil donnaient, inondant la pièce à travers l’épaisse vitre qui isolait l’intérieur douillet du manoir du rude froid extérieur. Luun était affalé dans une pile de coussins, et des parchemins épars occupaient le sol autour de lui dans un large périmètre. Il écrivait, compilait, raturait, recommençait... Pas de révélation fracassante sur les activités plus que limite des différents souverains, pas d’intrigues de cour, de coups bas et autres guerres d’influence auxquelles se livraient les puissants, non, Luun mettait la dernière main à son traité de botanique.
Il ne repensait plus trop aux évènements des derniers mois, ceux qui avaient menés fort logiquement ses pas jusqu’à New Halas, jusqu’au manoir de Djianne, en compagnie de laquelle il avait depuis passé de longs mois et refait sa vie loin de son passé, des intrigues, des trahisons, bref de ce qui avait été à la fois son passe temps, son travail et son quotidien pendant si longtemps.
Sur le moment, cela avait semblé être une bonne idée.. avec la moitié de Norrath aux trousses, se faire oublier un moment était une recette sûre et éprouvée, dont Luun avait déjà usé et abusé. Forcément, l’épisode du registre des Gardiens du Serment, qui avait pris envie de voyager et de répandre les germes de peste dont il était couvert dans tout Qeynos , n’avait pas laissé que de bons souvenirs. Se procurer un tel ouvrage n’était pas à la portée du premier cambrioleur venu, et quand on y réfléchissait un peu, la liste était dangereusement courte, et l’elfe y apparaissait en bonne position.
Ok... en première position.
Il s’en était encore sorti sur ce coup là , mais le coup avait porté terriblement près. Il avait dû courir pour fabriquer une piste chaude accusant une bande d’illuminés des égouts, à peine quelques pas devant les Qeynosiens, et avait eu vraiment de la chance que ces derniers souhaitent visiblement enterrer l’affaire aussi vite que lui.
New Halas... L’hiver y était rude, comme ses habitants, mais ces derniers savaient se montrer discrets, pour peu que l’on respecte leur us et coutumes, et que l’on ne vienne point porter la discorde dans leur communauté. Le couple de feir’dal avait d’abord attiré quelques regards étonnés puis avait fait partie du quoditien.
Djianne chassait, le plus souvent de l’orque, ou quelque autre créature nuisible qui avait posé ses valises sur les terres gelées. Sa soif de sang et de justice semblait ne jamais devoir s’affaiblir, et sans doute ne pourrait elle jamais oublier cette partie de son passé.
Dans ces chasses, Luun l’accompagnait rarement, haussant les épaules quand on lui parlait des invasions d’orques. Pour le moment, l’Equilibre aurait à se trouver un autre outil, un autre bras à utiliser. De toute façon toutes ses forces étaient concentrées à tenter de dominer sa sauvage guerrière et malheureusement pour lui, cette fois l’Equilibre se maintenait avec acharnement.
L’hiver se prolongeait et la monotonie des jours n’était parfois brisée que par l’arrivée d’un navire marchand proposant ses étoffes et autres matières rares en provenance des régions plus tempérées de Norrath.
Djianne était partie au petit matin et Luun avait décidé d’aller négocier quelques aunes d’une splendide étoffe venue tout droit de Maj’Dul. S’approchant de l’étal, il négocia âprement avec le marchand et lorsqu’il tourna les talons, son paquet sous le bras, il ne remarqua même pas la silhouette encapuchonnée sur le pont du navire qui le suivit un moment du regard puis disparut dans la cabine.